Cela fait plus de 25 ans que Nelson Mandela a été libéré de prison, marquant le début de la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud. L’apartheid comprenait un ensemble omniprésent de politiques séparant les «blancs» des «non-blancs» et ségréguant encore plus la population «non-blanche». Ces politiques déterminent où l’on pouvait vivre, quelle éducation on recevait, qui on pouvait épouser, quels biens on pouvait posséder, quels emplois ou professions on pouvait avoir et quels droits civils et politiques on avait.
Sous l’apartheid, l’Afrique du Sud a fortement séparé le droit public (c’est-à-dire le droit pénal, le droit administratif et le droit constitutionnel) du droit privé (c’est-à-dire les contrats, le droit des biens et les délits (torts)). Aujourd’hui encore, certaines facultés de droit les enseignent dans des départements distincts. Ceci est conforme aux idéaux libéraux classiques qui voient un rôle accru du gouvernement dans les domaines du droit public et une intrusion minimale du gouvernement dans les questions de droit privé. Le droit privé sud-africain n’était pas trop en décalage avec le droit privé anglais et (du moins avant les développements dans les années 60 et 70). Certains ont même affirmé que le droit privé était relativement épargné par l’apartheid et que, par conséquent, s’il existe un besoin évident de transformation du droit public, il n’existe pas de besoin aussi pressant de changement du droit privé. Si cela était vrai, le modèle pourrait être attrayant.
La Constitution suit largement le modèle libéral classique avec un ensemble quelque peu limité de droits politiques énoncés dans la Déclaration des droits et un ensemble limité de pouvoirs énumérés énoncés pour les branches du gouvernement fédéral dans les articles I, II et III. Avant le 13e amendement, les personnes agissant à titre privé n’étaient liées par aucune disposition de la Constitution et, à quelques exceptions notables près, les droits constitutionnels n’ont eu aucune incidence sur les règles privées. Les quelques exceptions notables comprennent la loi sur la diffamation, l’infliction intentionnelle de détresse émotionnelle et les dommages-intérêts punitifs.
Six ans après la libération de Mandela, l’Afrique du Sud a adopté sa Constitution définitive et démocratique en 1996. Plutôt que de choisir la voie et les rédacteurs de la constitution sud-africaine ont cherché à constituer un État où les droits de l’homme imprégneraient les sphères publiques et privées. Plutôt que de se contenter d’un nombre limité de droits politiques et civils, ils ont inclus un vaste ensemble de droits culturels et socio-économiques, par exemple, le droit à un environnement sain, au logement, aux soins de santé, à la nourriture, à l’eau et à la sécurité sociale, à l’éducation, ainsi que des droits pour les communautés culturelles, religieuses et linguistiques et des droits spéciaux pour les enfants. Voir les articles 24 à 31 de la constitution).
Plutôt que d’adopter la notion libérale selon laquelle le droit privé est séparé de la constitution et que les individus n’ont pas de devoirs constitutionnels, la constitution permet explicitement que ses dispositions lient les parties privées et elle adopte des mécanismes pour combler le fossé entre le droit public et le droit privé afin que l’ensemble du droit sud-africain soit harmonisé avec les valeurs de la constitution. La section 8(2) de la Constitution permet aux droits de la Déclaration des droits de lier directement la conduite des personnes privées et des sociétés. De plus, la section 8(3) exige que : Lorsqu’il applique une disposition de la Déclaration des droits à une personne physique ou morale… un tribunal doit appliquer ou, si nécessaire, développer.»… «. L’article 39(2) va plus loin en exigeant que « lorsqu’il interprète une législation et qu’il développe le droit coutumier, chaque cour, tribunal ou forum doit promouvoir l’esprit, la portée et les objectifs de la Déclaration des droits. «
Bien qu’il soit possible de faire davantage pour harmoniser le droit privé avec les valeurs de la constitution, pour promouvoir la liberté, la dignité, l’égalité et l’accès à la justice, des changements importants ont eu lieu au cours des 20 dernières années. Parmi les évolutions, on peut citer l’extension de la doctrine de la responsabilité du fait d’autrui, l’élargissement de la notion d’obligation ou d’illicéité dans les actions délictuelles (l’analogue du droit des délits), l’extension des actions pour atteinte à la vie privée, l’autorisation des recours collectifs, la protection accrue des éditeurs dans les affaires de diffamation, l’extension du rôle de res ipsa loquitor dans les affaires de responsabilité du fait des produits et l’interprétation plus stricte des clauses de renonciation à la responsabilité dans les contrats. Il y a également eu plusieurs changements législatifs qui sont en harmonie avec la constitution dans les domaines du droit du travail, de la législation sur l’égalité, des honoraires conditionnels, des recours collectifs et du droit de la protection des consommateurs.